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LIVRE XIV.

même. Sa beauté était presque sans défauts, et pourtant peu de gens en avaient été frappés. Du premier coup d’œil Merlin la découvrit parfaitement à travers un teint bronzé sous lequel elle était aux trois quarts ensevelie. Il la fit remarquer à d’autres ; et depuis cette heure, chacun s’écria :

« Quelle est belle ! puis, c’est la fille d’Épistrophius ! »

Tous les princes et souverains des ruines furent invités à étaler dans un champ d’asphodèles les nombreuses richesses qu’ils possédaient. Ils en formèrent de petits monceaux de cendre et de poussière sépulcrale, recouverte de quelques paillettes d’or. Le monceau d’Alifantina s’étant trouvé le mieux fourni, ce fut Alifantina qu’Euphrosine choisit pour son époux, sans même le regarder. Or, il était laid de visage, pauvre de cœur, rassasié d’années.

Merlin ne doutait pas que, dans cette cérémonie des cendres sépulcrales, il n’y eût quelque ancien sens mystique religieux, qu’il comptait bien découvrir par la suite. Il aurait surtout voulu apprendre l’histoire de la passion qui entraînait irrésistiblement l’un vers l’autre, les deux fiancés.

« Comment, leur disait-il, est né cet amour sacré qui a vaincu le temps ? Où et depuis quand ? sous quelle étoile radieuse ? Est-ce en présence du noble Épistrophius ? Quel regard, quelle parole, ou quel silence vous a d’abord révélés l’un à l’autre ? À quel signe avez-vous reconnu la flamme qui ne s’éteint jamais ?