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LIVRE XIV.

— Se peut-il ? poursuivait le bon Merlin. Tant de légèreté unie à tant de convoitise ! Le mariage est donc chez vous un calcul, une occasion froidement saisie, un arrangement de fortune ?

— Précisément, c’est le plus constant de nos usages.

— Que m’apprenez-vous, ô roi des ruines ? Je vous avais pardonné tant de choses ! Je m’étais accoutumé à vos royautés de cendre. Mais une vie sans amour, qui peut se l’imaginer ?

— Vous êtes jeune et romanesque, Merlin, reprit Épistrophius visiblement piqué. Vous avez habité parmi nous, et vous ne nous avez pas compris. »

Merlin aurait voulu répondre : « Je m’en glorifie, » mais par respect il se contint ; et se plaçant dans le cortége, derrière Euphrosine, il lui dit tout bas à l’oreille :

« Arrêtez-vous ! il en est temps encore. Livreriez-vous vos charmes presque divins pour ce peu de poussière ? Que sont ces richesses étalées, au prix d’un seul de vos regards ? »

La pompe nuptiale s’arrêta un moment pour jeter des fleurs flétries sous les pas des épousés ; il continua :

« Savez-vous donc quelle félicité vous était réservée dans une union que le cœur eût choisie ? Souvenez-vous, Euphrosine, de vos rêves ailés, quand vous regardiez les nues : je me proposais de les réaliser tous. »

Le cortége se remit en marche ; Merlin poursuivit :

« Attendez seulement, Euphrosine. Foi d’enchanteur, je m’engage à découvrir celui que vous devez aimer, beau, jeune, bien fait, en tout semblable à vous. Que