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LIVRE XV.

était en septembre. Il donna tout à Marina… Lecteur, toi aussi tu es vraiment de pierre si cette situation ne t’arrache pas un soupir ! Pour moi, je la connais ; je la décris en détail pour l’avoir éprouvée.

Ils ne se parlaient plus : qu’auraient-ils pu se dire ? L’un et l’autre, en se taisant, cherchaient à se voir. Mais à peine s’étaient-ils entrevus, la nuit épaisse, immense, humide, les couvrait de nouveau ; et ils se perdaient, se retrouvaient pour se perdre cent fois encore en un instant. À la fin, l’obscurité l’emporta ; ils se sentirent murés dans les ténèbres par l’Océan.

Cependant ils se tenaient étroitement embrassés l’un l’autre ; et pouvaient-ils rien faire de plus sage s’ils voulaient empêcher que la nuit, le flot, le froid, ne les séparassent pour l’éternité ?

Merlin pousse un cri ; la terre s’émeut ; un bruit extraordinaire roule sur sa tête comme si tous les troupeaux de bœufs de la contrée lui eussent répondu par leurs mugissements. C’était le flot que vomissait avec furie la bouche de la caverne. Dieu sait quel écho l’horrible mugissement trouva dans leurs cœurs !

Ainsi le jour passa ; plus cruelle la nuit s’écoula jusqu’à l’aurore, et Marina tremblait sous le manteau de Merlin. Il voit, non pas une aurore, mais une ombre, une lueur, un point blafard, plus pâle, assurément, que la lumière qui apparut au Cyclope, quand son œil unique fut crevé et se répandit en un torrent de larmes.