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LIVRE XV.

— Mes yeux l’ont rencontrée : voilà mon droit. »

Il s’élança pour la saisir.

Plus prompt que l’éclair, Merlin la couvre de son corps. Ici commence une formidable lutte. Rien de semblable ne s’était vu depuis le combat de l’ange et de Jacob. Les cimeterres des deux adversaires s’étaient brisés à la poignée. Restait à chacun d’eux un poignard recourbé, engagé dans leur ceinture. Mais quoi ! leurs bras entrelacés ne peuvent s’en servir. À ce moment suprême, Merlin renverse le Sarrasin et lui met le genou sur la poitrine.

« Vous l’aimez avec fureur ? lui dit-il.

— Les regards d’un autre ont souillé son visage, il fallait qu’elle mourût.

— Ces regards sont les miens… Vous vouliez donc l’épouser ?

— Par Allah ! c’est à peine si j’en ferais mon esclave. Elle est si maigre ! »

Indigné, Merlin pensa faire payer de la vie à l’Osmanli ce dernier blasphème ; mais, se ravisant par un effort magnanime, il le laissa vivre.

« Allez, vous qui blasphémez, soyez un vivant témoignage de la mansuétude de Merlin. Ce n’est pas dans un combat singulier que vous devez périr. Vivez, mais faites-vous chrétien. »

Et le mécréant, qui avait montré une si froide barbarie, allait mourir, quelques semaines après, de colère et d’impiété, dans le couvent de Vourcano.