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Et il s’approcha, sans une hésitation.

Elle le prit par la main et le guida dans l’obscurité des ruines, vers la petite lumière suspendue à un crochet de fer fiché dans un mur ; une petite lampe de forme très ancienne brûlait, vacillante : une sorte de petite cassolette carrée en fer où nageait dans l’huile une mèche grossière. Sur une petite cour intérieure, deux pièces encore habitables s’ouvraient. Dans un coin, sur un feu de braise, une marmite d’eau bouillait. Un grand chat noir, frileusement roulé en boule, rêvait dans la lueur rouge du feu, avec un tout petit ronron de béatitude.

La femme avait fait asseoir Jacques sur le seuil de la chambre et restait debout devant lui, silencieuse. Jacques lui prit les mains. Les siennes tremblaient et il sentait sa tête tourner, délicieusement. De sa poitrine oppressée une douce chaleur remontait à sa gorge, presque étouffante… Jamais il n’avait éprouvé une ivresse de volupté aussi aiguë et il eût voulu prolonger indéfiniment cette délicieuse torture. Mais, sans savoir, il balbutia :

— Mais… qui es-tu donc ? Et comment es-tu ici ?

Elle s’appelait Embarka, la Bénie. Son mari, pauvre cultivateur de la tribu des Achèche, était mort… Elle, orpheline, n’avait plus qu’un frère, porteur d’eau dans les grandes villes du Tell, elle ne savait plus au juste où. Elle, restée seule, s’était laissée aller avec des tirailleurs et des