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d’inaction et de rêve, s’était laissé griser par d’autres ivresses et captiver par d’autres yeux. Et le jour vint où le caïd cessa d’écrire… Pour lui, la vie venait à peine de commencer. Mais, pour Achoura, elle venait de finir.

Quelque chose s’était éteint en elle, du jour où elle avait acquis la certitude que Si Mohammed el Arbi ne l’aimait plus. Et, avec cette lumière qui était morte, l’âme d’Achoura avait été plongée dans les ténèbres. Indifférente désormais et morne, Achoura s’était mise à boire, pour oublier. Puis elle revint à Batna, attirée sans doute par de chers souvenirs. Là, dans les bouges du village, elle connut un spahi qui l’aima et qu’elle subjugua sans qu’il lui fût cher. Alors, comme le spahi avait été libéré, elle vendit une partie de ses bijoux, ne gardant que ceux qui lui avaient été donnés par le chérif. Elle donna une partie de son argent à des pèlerins pauvres partant pour La Mecque et épousa El Abadi qui, joueur et ivrogne, ne put se maintenir dans la vie civile et rengagea.

Achoura rentra dans l’ombre et la retraite du foyer musulman, où elle mène désormais une vie exemplaire et silencieuse.

Elle s’est réfugiée là pour songer en toute liberté à Si Mohammed el Arbi, le beau chérif qui l’a oubliée depuis longtemps et qu’elle aime toujours.