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Isabelle Eberhardt était appelée, elle allait vers sa destinée, et c’est ce qui donne tant de force tragique à son histoire, à sa légende. Elle savait qu’elle risquait la vie dans ses aventures et dans l’entraînement du voyage. Elle ne désirait pas finir autrement. Vieillie, elle eût regretté les orages, des sourires et les colères des océans éternels ». Byron et Chateaubriand sont un peu responsables de son cas.

Son fatalisme, en effet, n’était pas seulement musulman. Nous le retrouvons, dans son goût du naufrage et du chavirement. Pour le vrai nomade, le mouvement est une bénédiction ; pour cette jeune Russe un départ se compliquait d’une aimantation vers l’inconnu et le grand mystère : la route était à ses yeux la rivale de l’auteur, et la naïveté, la violence qu’elle apporte dans l’aveu de ce sentiment, accusent encore sa sincérité.

Dans les repos de son inquiétude spirituelle, Isabelle Eberhardt connut la douceur de s’attarder aux haltes et aux campements, de s’oublier elle-même en décrivant avec soin ce qu’elle voyait.

Les nouvelles qu’elle adressait aux journaux fixent des impressions et dessinent en quelques traits des personnages assez nouveaux dans le domaine du roman quoique très anciens. Elle n’insiste pas sur les scènes. Elle évoque et elle passe. Elle ne prépare pas ses effets, elle ne