Page:Eberhardt - Pages d’Islam, 1920.djvu/299

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En face, c’était le grand décor d’Alger qui les conviait à une agonie douce.

Pourquoi s’en aller, pourquoi chercher ailleurs le bonheur, puisque le Vagabond le trouvait là, inexprimable, au fond des prunelles changeantes de l’aimée, où il plongeait ses regards, longtemps, longtemps, jusqu’à ce que l’angoisse indicible de la volupté broyât leurs deux êtres ?

Pourquoi chercher l’espace, quand leur retraite étroite s’ouvrait sur l’horizon immense, quand ils sentaient l’univers se résumer en eux-mêmes ?

Tout ce qui n’était pas son amour s’écarta du Vagabond, recula en des lointains vagues.

Il renonça à son rêve de fière solitude. Il renia la joie des logis de hasard et la route amie, la maîtresse tyrannique, ivre de soleil, qui l’avait pris et qu’il avait adorée.

Le Vagabond au cœur ardent se laissa bercer, pendant des heures et des jours, au rythme du bonheur qui lui sembla éternel.

La vie et les choses lui parurent belles. Il pensa aussi qu’il était devenu meilleur, car, dans la force trop brutalement saine de son corps brisé, et la trop orgueilleuse énergie de son vouloir alangui, il était plus doux.

…Jadis, aux jours d’exil, dans l’écrasant ennui de la vie sédentaire à la ville, le cœur du Vagabond se serrait douloureusement au