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Né dans la sombre Taza, capitale des Guébala pillards, il avait appris là-bas les sciences musulmanes et aussi un art qui se conserve depuis des siècles dans l’isolement farouche et l’obscurité marocaine : la sorcellerie.

À pied, avec des bandes de lettrés pillards et coupeurs de routes, il avait parcouru tout le Maroc, de Melilla au Tafilalet, de Tétouan à Figuig, d’Oudjda à Mogador. Puis, à travers l’Algérie, la Tunisie et la Tripolitaine, il était allé étudier dans une inaccessible zaouïya de la Cyrénaïque. Enfin, par l’Égypte où il avait écouté pieusement les docteurs d’El-Azhar, il avait gagné la Mecque, d’où il était revenu par la Syrie et Stamboul.

Quand le Marocain fut devenu mon ami, il aima me raconter, avec des images ingénieuses et des détails curieux, ces longues pérégrinations accomplies en mendiant au nom de Dieu, et qui avaient occupé trente années de sa vie.

Devant ses clients, gens de la ville, Mauresques aux gestes dolents, Arabes de l’intérieur, le Tazi prenait un air fermé et mystérieux.

On le consultait sur la bonne aventure, sur des amulettes pour conjurer ou jeter des sorts.

Et, souvent, le Tazi forçait mon admiration.

— Tiens, disait-il au client, prends ce calam