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sa note gaie dans tout cet assombrissement des choses. Une échoppe étroite où s’entassent, en des mannes et des couffins, les pommes dorées, les poissons luisants, les légumes plantureux, les roses carottes, les raisins blancs, les noirs, lourds et gonflés de suc miellé, les citrons verts et les tomates surtout, la gloire écarlate des tomates qui saignent sous les rares rayons obliques du soleil intrus…

À côté, dans une niche encore plus petite, en contre-bas de la rue, habite le taleb marocain El Hadj Abdelhadi El Mogh’rebi, sorcier et médecin empirique.

El Mogh’rebi peut avoir cinquante ans. Long, très mince sous sa djellaba brune, il porte un turban volumineux, contrastant étrangement avec la maigreur osseuse de son visage bronzé, aux yeux pénétrants et vifs. Il ne sourit jamais.

Son mobilier est fruste : une natte, deux coussins couverts d’indienne jaune, une couverture djeridi rouge et verte pour toute literie, deux ou trois petites étagères marocaines anxieusement fouillées et peinturlurées, chargées de vieux livres jaunis, de fioles de drogues et d’encre, quelques petites marmites et un réchaud arabe en terre cuite, un mortier en cuivre et une meïda, basse petite table ronde.

El Mogh’rebi, accroupi sur sa natte, attend avec une indifférence songeuse ses clients.