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Depuis vingt ans, les habitants du quartier sont habitués à voir le taleb ouvrir sa boutique avant le jour, aller faire ses ablutions à la fontaine et rentrer pour prier et préparer lui-même son café.

Parfois, un passant s’arrête, souhaite au taleb la paix et la miséricorde divine, puis, retirant ses souliers, entre et s’accroupit en face d’El Mogh’rebi.

Tantôt, c’est quelque vieux maure en costume aux nuances claires, tantôt un notable de l’intérieur, amplement drapé de laine et de soie blanches, coiffé du haut guennour à cordelettes en poil de chameau, tantôt quelque humble fellah enveloppé de loques fauves, ou une vieille dolente, émissaire des belles dames d’honnête lignée, ne sortant pas, ou une libre hétaïre de la haute ville…

Pour tous les hommes, El Mogh’rebi garde la même politesse grave et bienveillante. Pour les femmes, il est plus négligent, plus familier aussi parfois.

La plupart des clients viennent consulter le taleb sur l’avenir, avec la soif étonnante et déraisonnable qu’ont tous les humains de dissiper la brume bienfaisante des lendemains ignorés…

Le procédé, très vieux, employé par El Mogh’rebi, est l’Écriture de sable. Il remet au client un kalâm en lui recommandant de s’en