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Il compose également des élixirs et des philtres, il prépare des amulettes, avec une conviction absolue en leur efficacité.

À l’inverse des charlatans européens, El Mogh’rebi fuit les foules et le tumulte et ne se donne pas la peine de débiter des boniments. Pour quelques pièces blanches, il rend les services qu’on lui demande, sans jamais se déranger, sans rien faire pour attirer les clients.

Cette monotonie des choses quotidiennes est comme la condition indispensable de sa vie. Il envisagerait sans doute tout changement comme un désagrément, peut-être même comme une infortune.

Sur ses origines, son passé, sa famille, El Mogh’rebi est muet. L’on sait seulement qu’il est originaire d’Oudjda et habite Alger depuis son retour de la Mecque, il y a vingt ans… vingt ans d’immobilité et de silence sur tout ce qui n’est pas son art.

Ses habitudes, comme le décor de sa ruelle, sont immuables, et ses jours tombent au néant, comme des gouttes d’eau dans le sable.

La soif du merveilleux et de l’inconnu, qui brûle les cœurs simples et angoisse les âmes encore proches de la mystérieuse nature, durera bien autant que la vie d’El Mogh’rebi et de ses émules, et que leur vieille science surannée réfugiée dans les trous d’ombre et de paix des cités de jadis.