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Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/175

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« La vie de cour ressemble à un concert ou chaque musicien doit compter ses mesures et ses pauses.

« Les gens de cour, qui sont exposés au risque de périr d’ennui, ont inventé le cérémonial pour remplir le temps.

« Il n’est pas bon à un prince de délibérer, et même dans la plus mince question, il ne doit jamais abdiquer.

« Vous voulez former des acteurs, ayez alors un fonds infini de patience. »

Mardi, 9 novembre 1824.

Ce soir, chez Goethe, nous avons parlé de Klopstock et de Herder, et j’ai eu le plaisir de l’entendre me développer les grands mérites de ces deux hommes.

« Sans ces puissants précurseurs, a-t-il dit, notre littérature ne serait pas devenue ce qu’elle est aujourd’hui. Quand ils ont paru, ils étaient en avant de leur temps, et ils l’ont pour ainsi dire entraîné vers eux ; maintenant le siècle dans sa marche rapide les a dépassés, et, après avoir été si nécessaires, si importants, ils ont cessé d’être des moyens. Un jeune homme qui aujourd’hui voudrait s’instruire à l’école de Klopstock et de Herder resterait bien en arrière. »

Nous parlâmes de la Messïade et des Odes de Klopstock, de leurs mérites et de leurs défauts. Nous convînmes que Klopstock n’avait aucun goût, aucune disposition pour voir et saisir le monde sensible et pour dessiner les caractères ; il lui manquait donc les qualités essentielles du poète épique et dramatique, et, on pourrait dire, du poète.

« Je me rappelle, dit Goethe, une Ode dans laquelle il suppose une course entre la Muse Allemande et la Muse