Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/224

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par de pareilles mesures servir à la caisse ! Rien ne lui nuit plus que des économies dans ces dépenses essentielles. Il faut penser à remplir la salle à chaque représentation. Et on y arrive en ayant acteurs et actrices d’un talent remarquable et d’une jolie figure. Si j’étais encore à la tête de la direction, je servirais la caisse en faisant encore un autre pas en avant, et vous verriez que l’argent ne nous manquerait pas. » On demanda ce qu’il ferait. « J’emploierais un moyen bien simple. Je ferais jouer le dimanche[1]. J’aurais quarante représentations au moins de plus, et ce serait bien malheureux si la caisse ne gagnait pas par an dix ou quinze mille thalers. » On trouva ce moyen très-pratique. On rappela que la classe ouvrière, si nombreuse, était dans la semaine occupée d’habitude tard dans la soirée, et que le dimanche était son seul jour de loisir, qu’elle préférait certainement le noble plaisir du théâtre à la danse et à la bière qu’elle allait chercher dans les cabarets des villages environnants. Les fermiers, les employés et les habitants aisés des petites villes voisines attendraient le dimanche comme un jour désiré pour se rendre à Weimar. À Weimar même, jusqu’alors, pour celui qui n’était pas admis à la cour, ou qui n’avait pas d’intérieur de famille, ou qui ne faisait pas partie d’un cercle, la soirée du dimanche avait été pénible et très-ennuyeuse. On ne savait où aller si l’on était seul. Et cependant il doit y avoir le dimanche soir un lieu où l’on puisse se plaire et aller oublier les tourments de la semaine. L’idée de jouer le dimanche comme dans les autres villes d’Allemagne

  1. Une partie de l’Allemagne, il n’y a pas longtemps, observait encore l’inaction publique du dimanche aussi scrupuleusement que l’Angleterre.