Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/276

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Byron, Il nous la montra pour dessert, en pressant en même temps sa fille de lui rendre la lettre écrite de Gênes par Byron[1]. « Tu vois, chère enfant, dit-il, j’ai là maintenant ensemble tout ce qui a trait à mes relations avec Byron ; aujourd’hui je reçois d’une façon singulière cette page curieuse ; il ne me manque plus que cette lettre. »

Mais l’aimable admiratrice de Byron ne voulait pas se priver de la lettre. « Cher père, vous me l’avez donnée, et je ne vous la rendrai pas : si vous voulez absolument que tout ce qui se ressemble se rassemble, donnez-moi encore cette page précieuse d’aujourd’hui, et je garderai les deux trésors l’un à côté de l’autre. » C’était ce que Goethe voulait encore moins ; la discussion se prolongea gaiement encore pendant quelque temps, jusqu’à ce qu’elle se perdit dans la vivacité de la conversation générale.

Quand nous fûmes levés de table et que les dames furent sorties, je restai seul avec Goethe. Il alla chercher dans sa chambre de travail un portefeuille rouge, et, s’approchant avec moi de la fenêtre, il l’ouvrit : « Vous voyez, dit-il, j’ai mis là tout ce qui se rapporte à mes relations avec Byron. Voici sa lettre de Livourne, voici une copie de sa dédicace, voici ma poésie, voici ce

  1. Déjà Byron, en 1820, à Ravenne, avait voulu dédier Marino Faliero à Goethe, mais sa lettre ne fut pas envoyée. (Voir Moore.) Il lui dédia plus tard Werner. En 1823, à Gènes, il lui écrivit quelques lignes pour lui recommander un jeune homme qui allait à Weimar. Goethe avait répondu par une pièce de vers que Byron reçut à Livourne au moment de s’embarquer. Il écrivit à son tour à Goethe une lettre affectueuse par laquelle se terminent les relations des deux grands poètes. — Byron a dit de Goethe : « Je considère Goethe comme le plus grand génie de ce siècle. » — Goethe a dit de Byron : « Il n’y a personne à comparer à un tel homme dans les siècles passés. »