Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/315

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qui lui retire l’épine qu’il avait dans la patte, et la Nouvelle se termine par ce chant de l’enfant :

« Ainsi, aux enfants dont le cœur est bon, un ange du ciel aime à donner son aide, afin d’arrêter la volonté mauvaise et de susciter de belles actions. — Pour enchaîner aux faibles genoux du fils bien-aimé le despote suprême de la forêt, ainsi ont conspiré la piété et la mélodie. »

Je n’avais pu lire sans émotion les scènes de cette conclusion. Cependant je ne savais pas ce que je devais dire, j’étais surpris sans être satisfait. Il y avait pour moi dans cette fin trop de solitude, d’idéal, de lyrisme, et il me semblait que tous les personnages que l’on avait vus devaient reparaître. Goethe s’aperçut que j’avais un doute sur le cœur, et il chercha à le dissiper par ces mots : « Si j’avais fait reparaître à la fin quelques-uns des autres personnages, la conclusion serait devenue prosaïque. Que feraient-ils ? que diraient-ils, puisque tout est fini ? Le prince est retourné à cheval avec les siens à la ville, où son secours sera nécessaire ; Honorio, dès qu’il saura que le lion est en sûreté, suivra avec ses chasseurs, l’homme sera bientôt hors de la ville avec sa cage de fer et emmènera le lion. Tout cela, ce sont des choses que l’on devine et qui pour ce motif ne doivent être ni dites ni peintes. Si on le faisait, on deviendrait prosaïque. Et c’était une conclusion idéale, lyrique même, qu’il fallait, car après le discours pathétique de l’homme au lion, qui déjà est de la prose poétique, il fallait s’élever encore, il fallait donc arriver à la poésie lyrique, au chant. Pour vous représenter la marche de cette Nouvelle, pensez à une plante qui sort d’une racine, jette quelque temps d’une tige solide de vertes feuilles