Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/423

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fermait étaient trop grands pour qu’il ne dût pas en mettre une bonne part au compte de la politesse d’une personne de rang élevé et du meilleur monde. Il me fit remarquer la manière cordiale et pleine de bonhomie avec laquelle Walter Scott parle de sa famille ; c’était pour lui un signe de confiance fraternelle qui le rendait heureux.

« Je suis curieux vraiment de voir cette Vie de Napoléon qu’il m’annonce, dit-il. J’entends sur ce livre des jugements si contradictoires et si passionnés, que j’ai d’avance cette certitude : l’ouvrage, quel qu’il soit, est remarquable. »

Je lui demandai s’il se rappelait encore Lockart.

« Parfaitement ! sa personne fait une vive impression que l’on n’oublie pas aussitôt. Des voyageurs d’Angleterre et ma belle-fille m’ont dit que c’est un jeune littérateur d’avenir[1]. Mais je m’étonne un peu que Walter Scott ne me dise pas un mot de Carlyle, qui cependant, par ses travaux sur l’Allemagne, doit certainement lui être connu[2]. Ce qu’il y a d’admirable dans Carlyle, c’est que dans ses jugements sur les écrivains allemands il s’occupe bien moins des effets de l’œuvre que de son esprit et de son essence morale. Carlyle est une puissance morale de grande importance. Il est riche d’a-

  1. Il a publié, en 1836, une bonne Vie de Walter Scott.
  2. Le 17 juillet 1827, Goethe avait écrit à Zelter : « Demande donc aux amis de la littérature anglaise que tu fréquentes s’ils pourraient te donner quelques renseignements sur Thomas Carlyle ; il rend les plus grands services à la littérature allemande. » — L’année suivante, Goethe et Carlyle entrèrent en correspondance. Goethe a publié plusieurs analyses des travaux de Carlyle sur les poètes allemands. Le spirituel Écossais lui semblait être, comme le spirituel Français M. Ampère, un des précurseurs les plus brillants de la Littérature universelle.