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Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/430

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vie, qui se passe très-heureusement en plein air sans la moindre fatigue, et qui réussit aussi très-bien à certains individus dans la chambre. J’ai eu des fauvettes qui pendant toute la mue n’ont pas cessé de chanter, ce qui est signe d’une parfaite santé. Si un oiseau pendant la mue est maladif, c’est qu’on le nourrit mal, que son eau est mauvaise, ou qu’il manque d’air. S’il n’a pas dans la chambre assez de force pour muer, qu’on le mette à l’air frais, il muera très-bien. Un oiseau libre mue sans s’en apercevoir, tant sa mue se fait doucement. »

« — Cependant vous sembliez dire que pendant leur mue les fauvettes se retirent dans les fourrés du bois ? »

« — Elles ont certainement pendant ce temps besoin de quelques secours. La nature agit avec tant de sagesse et de mesure, que jamais un oiseau ne perd tout d’un coup assez de plumes pour ne plus pouvoir voler et chercher sa nourriture. Mais cependant il peut arriver qu’un oiseau perde ensemble par exemple la quatrième, la cinquième, et la sixième penne à chaque aile ; il pourra bien voler encore, mais pas assez bien pour échapper aux oiseaux de proie ses ennemis et surtout au très-rapide et très-adroit hobereau ; voilà pourquoi les fourrés leur sont utiles à ce moment. »

« — Cela se conçoit. Est-ce que la mue marche également et comme symétriquement aux deux ailes, »

« — Autant que j’ai pu observer, sans aucun doute. Et c’est un bienfait. Car si un oiseau perdait à l’aile gauche trois pennes sans les perdre aussi à l’aile droite en même temps, l’équilibre serait rompu et l’oiseau ne serait plus le maître de ses mouvements. Il serait comme un vaisseau qui a d’un côté les voiles trop lourdes et de l’autre côté les voiles trop légères. »