Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/431

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« — Je vois que l’on peut pénétrer dans la nature du côté où l’on veut ; on trouve toujours une preuve de sagesse !… »

Nous étions arrivés sur le haut de la colline, nous longions la forêt de pins qui la couvre. Nous passâmes près d’un tas de pierres. Goethe fit arrêter, me pria de descendre et de chercher un peu si je ne trouverais pas quelques pétrifications. Je trouvai quelques coquilles et quelques ammonites brisées que je lui donnai en remontant en voiture. Nous reprîmes notre route.

« Toujours la vieille même histoire ! dit-il ; toujours le vieux sol marin ! Quand on est sur cette hauteur, et que l’on voit Weimar et tous ces villages dispersés alentour, cela semble un prodige que de se dire : il y a eu un temps où dans cette large vallée se jouait la baleine. Et cependant il en est ainsi, ou du moins c’est très-vraisemblable. La mouette, volant dans ce temps au-dessus de la mer qui a couvert ces hauteurs, ne pensait guère que nous y passerions un jour tous deux en voiture. Qui sait si dans des siècles la mouette ne volera pas de nouveau au-dessus de ces collines ?… »

Nous étions tout à fait en haut à l’extrémité de la pointe de l’Ettersberg ; on ne voyait plus Weimar ; mais devant nous, à nos pieds, s’étalait la large vallée de l’Unstrut, semée de villes et de villages, éclairée par le riant soleil du matin. « Là on sera bien ! dit Goethe en faisant arrêter, voyons encore si un petit déjeuner dans ce bon air nous fera plaisir ! »

Frédéric disposa le déjeuner sur une petite éminence de gazon. Les lueurs matinales du soleil d’automne le plus pur rendaient splendide le coup d’œil dont on jouissait à cette place. Vers le sud et le sud-ouest, on dé-