Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/67

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Cette lettre me fit le plus vif plaisir, et je fus dès lors décidé à me laisser entièrement guider par Goethe. Il revint le 15 septembre de Marienbad, si bien portant, si vigoureux, qu’il pouvait faire plusieurs lieues à pied. C’était un vrai bonheur de le regarder.

Aussitôt après nous être mutuellement et joyeusement salués, Goethe me dit : « Je vais tout vous dire en un mot : Je désire que vous restiez cet hiver près de moi à Weimar. » Ce furent là ses premiers mots ; il ajouta : « Ce qui vous convient le mieux, c’est la poésie et la critique. Vous avez pour ces deux genres des dispositions naturelles, c’est là votre métier ; vous devez vous y tenir, et il vous procurera bientôt une excellente existence, mais il y a bien des choses qui, sans se rattacher spécialement à ce qui vous occupe, doivent cependant être apprises. Il s’agit de les apprendre vite. C’est ce que vous ferez cet hiver avec nous à Weimar ; vous serez étonné à Pâques du chemin que vous aurez fait. Tout sera au mieux pour vous, car tout ce qui peut vous servir dépend de moi. Vous aurez alors acquis de la solidité pour toute votre existence, vous vous sentirez à votre aise, et partout où vous irez, vous irez sans inquiétudes. Je m’occuperai d’un logement pour vous dans mon voisinage, car il ne faut pas perdre cet hiver un seul instant. On rencontre réunies à Weimar bien des choses utiles, et peu à peu vous trouverez dans la haute classe une société égale à la meilleure de n’importe quelle grande ville. Je suis lié avec des hommes très-distingués ; vous ferez peu à peu connaissance avec eux, et leur commerce sera pour vous à un haut degré instructif et utile. » Il me nomma plusieurs personnes, me dit en peu de mots leurs mérites distinctifs, et continua : « Où pourriez-