Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/138

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pourrait dire quelque chose d’analogue pour les traductions. Ainsi Voss a certainement fait une excellente traduction d’Homère, mais il est à croire qu’un autre aurait pu avoir et inspirer un sentiment plus naïf et plus vrai de l’original, sans être pour l’ensemble un traducteur aussi magistral que Voss. »

Le temps aujourd’hui était très-beau ; le soleil était encore haut dans le ciel ; nous descendîmes dans le jardin, où Goethe fit attacher quelques branches qui tombaient jusqu’à terre. Les crocus jaunes étaient en pleine fleur. Nous regardâmes ces fleurs, et nos regards, en se reposant ensuite sur le sol, apercevaient des images violettes.

« — Vous pensiez récemment, me dit-il, que le jaune et le rouge s’appellent réciproquement mieux que le jaune et le bleu, parce que ces premières couleurs sont d’un degré supérieur et par suite plus parfaites, plus pleines, plus énergiques. Je ne suis pas de cet avis. Toute couleur, dès qu’elle paraît d’une façon marquée à l’œil, cherche également à produire la couleur opposée ; il faut seulement que notre œil soit dans une bonne position, que la lumière du soleil ne soit pas trop vive, et que notre regard porte sur un terrain qui laisse bien apercevoir la couleur produite par l’œil. — Et puis dans les théories sur les couleurs il faut se garder de faire des distinctions trop fines, car on est exposé au danger de tomber de l’essentiel dans l’accessoire, du vrai dans le faux, et du simple dans le compliqué. »

Je retins ces paroles comme leçon utile dans mes études. — Cependant l’heure de la représentation du théâtre était arrivée. Goethe me dit en riant : « Allez, et