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Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/191

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bon usage de mes assignats. Le lendemain ils ne valaient plus un groschen[1]. »

* Lundi, 15 février 1830.

Je suis allé ce matin un moment chez Goethe, pour prendre de ses nouvelles de la part de Madame la grande-duchesse[2]. Je le trouvai triste, pensif ; il n’y avait plus trace de l’excitation un peu forcée de la veille. Aujourd’hui il paraissait profondément ému du vide que la mort avait fait en lui, en lui arrachant une amitié de cinquante ans. Il me dit : « Je me force au travail ; il le faut pour que je conserve le dessus, et que je supporte cette séparation subite. La mort est quelque chose de bien étrange ! malgré toute notre expérience, quand il s’agit d’une personne qui nous est chère, nous croyons la mort toujours impossible, et nous ne pouvons y croire ; elle est toujours inattendue. C’est pour ainsi dire une impossibilité, qui tout à coup devient une réalité. Et ce passage d’une existence qui nous est connue dans une autre dont nous ne savons absolument rien est quelque chose de si violent, que ceux qui restent ne peuvent s’empêcher de ressentir malgré eux le plus profond ébranlement. »

Mercredi, 17 février 1830.

Nous avons causé des décors et des costumes de théâtre. — Voici quelles furent les conclusions de notre conversation. « En général les décors doivent avoir une teinte favorable aux costumes qui se meuvent sur le premier plan, comme les décors de Beuther, qui se rapprochent toujours plus ou moins du brun et laissent ressortir

  1. Douze centimes.
  2. Maria Paulowna.