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les vœux, les besoins, les conflits et la fermentation du jour qui passe. »

Béranger, fis-je remarquer, n’a aussi traité que des sujets empruntés à la grande capitale et à ses propres sentiments.

« Oui, mais c’est un homme dont les peintures et dont l’âme ont de la valeur. Il y a en lui le fonds d’un grand caractère. Béranger est une nature on ne peut plus heureusement douée, solidement appuyée sur elle-même, qui s’est développée naturellement d’elle-même, et qui est en harmonie parfaite avec elle-même. Il n’a jamais demandé : Qu’est-ce qu’il faut de nos jours ? qu’est-ce qui produit de l’effet ? qu’est-ce qui plaît ? que font les autres ? Il n’a voulu imiter personne. Il a toujours puisé ce qu’il faisait dans le fonds propre de sa nature, sans s’inquiéter de ce que le public ou tel et tel parti attendaient. Il a bien, à certaines époques délicates, observé attentivement les opinions, les vœux, les besoins du peuple, mais cela n’a fait que le confirmer dans ce qu’il était déjà, parce qu’il se disait que son âme était en harmonie avec celle du peuple ; cela ne l’a jamais conduit à dire ce qui ne vivait pas déjà dans son cœur. — Vous le savez, je ne suis pas, en général, ami des poésies politiques, mais les poésies comme celles de Béranger me plaisent toujours. Chez lui, rien n’est pris en l’air, il n’y a pas là d’intérêts imaginés ou imaginaires, il ne vise pas dans le vide, il agite au contraire toujours des idées importantes et bien nettes. Son admiration affectueuse pour Napoléon ; ses souvenirs des grands faits d’armes qui se sont passés sous son règne, souvenirs évoqués dans un temps où ils étaient une consolation pour les Français, alors un peu opprimés ; sa haine contre