Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/271

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déjà quelques idées à ce seul nom de sorcières thessaliennes ; l’ignorant ne verra là qu’un mot. »

— « Il faut, dis-je, que l’antiquité soit bien présente et bien vivante dans votre esprit pour que vous puissiez ressusciter avec tant de fraîcheur toutes ces figures, les employer et les manier avec autant d’aisance. »

— « Si pendant toute ma vie, dit Goethe, je ne m’étais pas occupé d’arts plastiques, cela ne m’aurait pas été possible. Le difficile, c’était de rester modéré au milieu d’une telle abondance, et d’écarter toutes les figures qui n’étaient pas absolument en harmonie avec mon plan. Par exemple je n’ai fait aucun usage ni du Minotaure, ni des Harpies, ni d’autres monstres encore. »

— « Ce que vous avez évoqué dans cette nuit est si bien lié, si bien groupé, que l’imagination se rappelle tout volontiers et sans difficulté, et en recompose un tableau. Les peintres ne laisseront certes pas échapper ces sujets, et je me réjouis déjà de voir Méphistophélès chez les Phorkiades, essayant de profil le fameux masque[1] »

— « Il a là quelques bons traits de ma façon, dit Gœthe, que tôt ou tard le monde utilisera de plus d’une manière. Quand les Français seulement connaîtront Hélène, et verront ce que l’on peut en tirer pour leur théâtre !… ils abîmeront la pièce elle-même, mais ils sauront s’approprier habilement ce qui peut leur servir, et c’est là tout ce que l’on peut attendre et désirer. Ils ajouteront certainement à la Phorkiade un Chœur de monstres, semblable à celui qui est déjà indiqué ailleurs. »

  1. Voir Faust, traduction de M. Blaze de Cury, page 377.