Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/491

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Nous n’avons pas pu nous empêcher de penser aux Dieux d’Épicure, qui habitent « là où la pluie, la neige sont inconnues, là où la tempête ne souffle jamais ; » c’est d’une tranquillité pareille que ce personnage assis semble jouir ; tous les orages qui mugissent autour de lui ne le touchent pas ; on conçoit qu’il ait cette physionomie, mais on ne conçoit pas comment il peut la conserver. Son œil est ce qu’il y a au monde de plus impénétrable ; il regarde bien devant lui, mais le spectateur ne peut savoir s’il le considère ; son regard n’est pas tourné en lui-même comme celui d’un penseur ; il n’est pas dirigé non plus vers l’extérieur, comme celui de l’homme qui examine un certain objet ; l’œil repose en lui-même et sur lui-même, semblable au personnage tout entier, qui n’a pas l’air de s’occuper de lui-même et de se plaire en lui-même, mais qui, cependant, semble n’avoir aucun lien avec tout ce qui est en dehors de lui. — C’est assez ; nous pourrions faire ici de la physiognomonie et tirer toutes les inductions qui nous plairaient ; notre pénétration est trop courte, notre expérience trop pauvre, notre imagination trop bornée pour pouvoir nous faire une idée suffisante d’un tel être. Tel est l’effet qu’il produira sans doute un jour sur l’historien, qui pourra trouver un secours dans ce portrait. — Nous rappelons pour les amateurs qu’il y a une comparaison intéressante à faire entre ce portrait et celui qui se trouve sur la grande gravure du congrès de Vienne, d’après Isabey.


FERDINAND IMECOURT,
OFFICIER D’ORDONNANCE DU MARÉCHAL LEFÈVRE, TUÉ DEVANT DANTZIG EN 1807
(PEINT EN 1808).

Par conséquent de mémoire ou d’après une esquisse. Ce portrait renferme une opposition curieuse. La carrière militaire de cet homme indique une âme avide d’activité utile ; sa mort prouve sa bravoure ; or tous ces traits de caractère, sous le vêtement civil, conservent l’incognito. Son air, son vêtement sont ceux d’un élégant ; il se dispose à monter l’escalier d’un pavillon de jardin ; sa main gauche inclinée porte son chapeau ; sa main droite s’appuie sur une canne ; il semble qu’il vient d’apercevoir un de ses amis qui s’approche. Les traits du visage sont ceux d’un homme intelligent et calme ; il est d’une taille moyenne, mince, délicate. — Dans