Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/499

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des livres, parce que les vérités comme les erreurs disparaissent trop vite lorsqu’on se borne à un échange oral d’arguments. Dans ce travail, il se plaît à citer des noms étrangers ; il rappelle les travaux des Allemands et des savants d’Édimbourg, et se déclare leur allié. Le monde savant a le droit d’espérer les plus heureux résultats de cette alliance.

Pour que nous puissions tirer de la discussion tout le profit qu’elle peut nous donner, faisons quelques observations de diverse nature.

Ce qui se passe ici dans l’histoire de la science se présente souvent dans l’histoire politique ; c’est un fait sans importance, accidentel, qui amène la lutte entre deux partis qui jusqu’alors restaient cachés ; malheureusement, le fait d’où est sortie la contestation actuelle est d’une nature toute spéciale, et il menace d’entraîner le débat dans des complications infinies ; le problème particulier que l’on agite n’a pas par lui-même un intérêt considérable, et ne peut être bien compris de la majorité du public ; aussi il serait très-utile de ramener la discussion à ses premiers éléments.

Comme tous les événements humains doivent être considérés et jugés au point de vue moral et que le caractère des personnes en lutte a la plus grande importance, nous voulons raconter du moins d’une façon générale la vie des deux adversaires.

Geoffroy Saint-Hilaire est né en 1772 ; il fut nommé professeur de zoologie en 1793, lorsqu’on fit du jardin du Roi une école publique. Peu après Cuvier y fut appelé aussi ; ils travaillèrent ensemble comme le font les jeunes gens studieux, sans se douter des différences intimes qui les séparaient. En 1798, Geoffroy Saint-Hilaire partit pour cette expédition d’Égypte si immensément problématique ; il fut ainsi un peu éloigné de l’enseignement, mais son penchant inné pour raisonner du général au particulier se fortifiait toujours en lui, et après son retour, il trouva, en travaillant à la rédaction du grand ouvrage sur l’Égypte, la meilleure occasion pour appliquer ses vues. On vit en 1810 quelle confiance il avait su inspirer par ses idées et par son caractère : il fut envoyé en Portugal par le gouvernement pour « organiser les études. » En revenant de cette mission éphémère, il enrichit le Muséum de Paris d’un grand nombre d’objets. Tout en s’occupant sans cesse de travaux scientifiques, il avait su faire reconnaître de la nation ses qualités de bon citoyen, et en 1815 il fut élu député. Mais là n’était pas le théâtre où il devait briller ; il ne monta jamais à la