Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/507

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un frein caché, ils sont forcés d’obéir aux imprescriptibles commandements de la loi.

Samuel-Thomas Sœmmering, disciple de Camper. Esprit d’une haute capacité, observateur et penseur actif et habile. Il a rendu les plus grands services par ses travaux sur la cervelle et par son principe ; « Ce qui distingue surtout l’homme des animaux, c’est que la masse de sa cervelle dépasse de beaucoup le reste de la masse nerveuse ; chez les animaux, c’est le contraire. » Dans cette époque si ouverte à toutes les idées, quel intérêt souleva la tache jaune de la rétine ! Combien doit-on à sa pénétration, à son habileté de dessinateur pour l’anatomie des organes des sens, pour l’œil, pour l’oreille ! Quiconque jouissait de sa société, ou de sa correspondance, se sentait animé, excité au travail. On se communiquait les faits inconnus, les vues nouvelles, les aperçus pénétrants : l’activité se déployait dans tous les sens ; tous les germes naissants se développaient rapidement ; la jeunesse, pleine d’une vive ardeur, n’avait pas alors l’idée des obstacles qu’elle devait rencontrer.

Jean-Henri Merck, trésorier de la guerre de Hesse-Darmstadt, mérite à tous les égards d’être cité ici. C’était un homme d’une activité d’esprit infatigable qui, par cela même, n’a rien laissé d’important, parce que, attiré de tous les côtés en même temps, il n’a pu être qu’un remarquable amateur. Il s’adonna aussi avec ardeur à l’anatomie comparée, qu’il put étudier d’autant mieux qu’il dessinait avec facilité et précision. Il fut entraîné à cette étude par les curieux fossiles qui commençaient alors à attirer l’attention des savants, et que l’on trouvait en grand nombre et très-variés dans la région rhénane. Pris de passion pour ces fossiles, il en forma une collection, riche de beaucoup d’échantillons fort beaux, qui, après sa mort, passa au musée de Darmstadt. Elle y fut placée sous la garde intelligente du conservateur Schleiermacher, qui l’accroît encore.

Mes relations intimes et personnelles avec ces deux hommes, et, plus tard, la correspondance que j’entretins avec eux, augmentèrent mon goût pour ces études. Avant toutes choses, suivant une habitude innée en moi, je cherchai un fil conducteur, un point de départ fixe, une maxime pouvant servir de base solide, un horizon bien déterminé. Si, aujourd’hui encore, il s’élève des désaccords, naturellement ils étaient alors bien plus fréquents, car chacun avait un point de vue personnel, un but spécial, et chacun voulait tirer