Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avons eu certainement d’autres aïeux, car l’honorable compagnie m’accordera à coup sûr qu’il y a entre nous et les fils authentiques d’Adam de grandes différences, et entre autres, au point de vue de l’argent. »

On rit ; la conversation redevint générale ; Goethe, excité par M. de Martius à la contradiction, prononça encore plusieurs mots remarquables qui, sous une apparence de plaisanterie, cachaient un sens très-sérieux. Quand on sortit de table, on annonça M. de Jordan, ministre de Prusse, et nous nous retirâmes dans une chambre voisine.

Mercredi, 8 octobre 1828.

Aujourd’hui, chez Goethe, on attendait à dîner Tieck, avec sa femme, ses filles et la comtesse Finkenstein[1]. Je me trouvai avec eux dans la pièce d’entrée. Tieck avait très-bonne mine ; les eaux du Rhin paraissaient avoir produit sur lui un très-bon effet. Je lui racontai que j’avais lu, depuis que je l’avais vu, le dernier roman de Walter Scott, et quel plaisir m’avait donné ce talent extraordinaire. « Je doute, dit Tieck, que ce roman, que je n’ai pas encore lu, soit le meilleur que Walter Scott ait composé, mais cet écrivain est si remarquable que la première œuvre de lui qu’on lit étonne toujours ; on peut l’aborder par n’importe quel côté. »

Le professeur Gœttling[2] entra ; il revenait tout nouvellement de son voyage en Italie. J’avais un grand plaisir à le revoir, et je l’attirai près d’une fenêtre pour

  1. Amie intime de Tieck.
  2. Philologue et archéologue distingué, professeur à l’Université d’Iéna. En 1824, il avait dédié à Goethe son édition de la Politique d’Aristote avec cette dédicace : « Gœthio laureati populi principi hanc principis Peripateticorum editionem sacram esse voluit editor. »