Page:Edgar Poe Arthur Gordon Pym.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’obligea à boire. Je voyais et j’entendais tout cela, car j’avais suivi mes amis vers la cabine aussitôt que la porte avait été refermée, et j’avais repris mon premier poste d’observation. J’avais apporté avec moi les deux bringuebales de pompe, dont j’avais caché l’une près du capot-d’échelle, pour l’avoir au besoin sous la main.

Je m’affermis alors aussi bien que possible pour ne rien perdre de tout ce qui se passait en bas, et je m’efforçai de raidir ma volonté et mon courage pour descendre chez les révoltés aussitôt que Peters me ferait un signal, comme il avait été convenu. Il s’efforçait en ce moment de tourner la conversation sur les épisodes sanglants de la révolte, et graduellement il amena les hommes à causer des mille superstitions qui sont généralement si répandues parmi les marins. Je ne distinguais pas tout ce qui se disait, mais je pouvais aisément voir l’effet de la conversation sur les physionomies des assistants. Le second était évidemment très-agité, et quand, un moment après, l’un d’eux parla de l’aspect effrayant du cadavre de Rogers, je crus vraiment qu’il allait tomber en faiblesse. Peters lui demanda alors s’il ne pensait pas qu’il vaudrait mieux décidément le jeter par-dessus bord ; car c’était, dit-il, une trop horrible chose de le voir ainsi se débattre et nager dans les dalots. Alors le misérable respira convulsivement et promena lentement autour de lui ses regards sur ses compagnons, comme s’il voulait supplier l’un d’eux de monter pour faire cette besogne. Néanmoins personne ne bougea ; et il était évident que toute la compagnie était arrivée au plus haut degré d’excitation nerveuse. Peters me fit alors le signal ;