Page:Edgar Poe Arthur Gordon Pym.djvu/115

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de l’eau qu’une seconde sur trois. Quoique nous fussions couchés tout près les uns des autres, nous ne pouvions pas nous voir, et nous n’apercevions pas davantage la moindre partie du brick sur lequel nous étions si effroyablement secoués. Par intervalles nous nous appelions l’un l’autre, nous efforçant ainsi de raviver l’espérance et de donner un peu de consolation et d’encouragement à celui de nous qui pouvait en avoir le plus besoin. L’état de faiblesse d’Auguste faisait de lui un objet d’inquiétude pour les autres ; et comme, avec son bras droit déchiré, il devait lui être impossible d’assujettir assez solidement son amarre, nous nous figurions à chaque instant qu’il allait être emporté par-dessus bord ; — quant à lui prêter secours, c’était une chose absolument impossible. Très-heureusement sa place était plus sûre qu’aucune des nôtres ; car, la partie supérieure de son corps étant justement abritée par un morceau du guindeau fracassé, la violence des lames qui tombaient sur lui se trouvait grandement amortie. Dans toute autre position que celle-là (et il ne l’avait pas choisie, il y avait été jeté accidentellement après s’être attaché dans un endroit très-dangereux), il eût infailliblement péri avant le matin. Le brick, comme je l’ai dit, donnait beaucoup de la bande, et, grâce à cela, nous étions moins exposés à être emportés que nous ne l’eussions été dans un cas différent. Le côté par où le navire donnait de la bande était, comme je l’ai remarqué, celui de bâbord, et la moitié du pont à peu près était constamment sous l’eau. Conséquemment, les lames qui nous frappaient à tribord étaient en partie brisées par le côté du navire, et, cou-