Page:Edgar Poe Arthur Gordon Pym.djvu/137

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situation m’affecta de la manière la plus vive, et néanmoins je ne pouvais m’empêcher de me réjouir de l’heureux accident qui m’avait empêché de me laisser tenter par le vin, m’épargnant ainsi leurs sinistres et navrantes sensations. Cependant leur conduite m’alarmait et me causait une très-forte inquiétude ; car il était évident qu’à moins d’un changement favorable dans leur état, ils ne pourraient me prêter aucune assistance pour pourvoir à notre salut commun. Je n’avais pas encore abandonné toute idée de rapporter quelque chose d’en bas ; mais l’épreuve ne pouvait se recommencer qu’à la condition que l’un d’eux fût assez maître de lui-même pour tenir le bout de la corde pendant que je descendrais. Parker semblait se posséder un peu mieux que les autres, et je m’efforçai de le ranimer par tous les moyens possibles. Présumant qu’un bain d’eau de mer pourrait avoir un heureux effet, je m’avisai de lui attacher un bout de corde autour du corps, et puis, le conduisant au capot-d’échelle (lui, restant toujours inerte et passif), je l’y poussai et l’en retirai immédiatement. J’eus lieu de me féliciter de mon expérience, car il parut reprendre de la vie et de la force, et en remontant il me demanda d’un air tout à fait raisonnable pourquoi je le traitais ainsi. Quand je lui eus expliqué mon but, il me remercia du service, et dit qu’il se sentait beaucoup mieux depuis son bain ; ensuite, il parla sensément de notre situation. Nous résolûmes alors d’appliquer le même traitement à Auguste et à Peters, ce que nous fîmes immédiatement, et le saisissement leur procura à tous deux un soulagement remarquable. Cette idée d’immersion soudaine m’avait été suggérée par quelque