Page:Edgar Poe Arthur Gordon Pym.djvu/208

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

canots de se tenir en arrière, pendant qu’il s’avançait vers nous avec le sien. Aussitôt qu’il nous eut atteints, il sauta à bord du plus grand de nos canots, et il s’assit à côté du capitaine Guy, montrant en même temps du doigt la goëlette, et répétant les mots : Anamoo-moo ! Lama-Lama ! Nous retournâmes vers le navire, les quatre canots nous suivant à quelque distance.

En arrivant au long du bord, le chef donna les signes d’une surprise et d’un plaisir extrêmes, claquant des mains, se frappant les cuisses et la poitrine et poussant des éclats de rire étourdissants. Toute sa suite, qui nageait derrière nous, unit bientôt sa gaieté à la sienne, et en quelques minutes ce fut un tapage à nous rendre absolument sourds. Heureux d’être ramené à son bord, le capitaine Guy commanda de hisser les embarcations, comme précaution nécessaire, et donna à entendre au chef (qui s’appelait Too-wit, comme nous le découvrîmes bientôt) qu’il ne pouvait pas recevoir sur le pont plus de vingt de ses hommes à la fois. Celui-ci parut s’accommoder parfaitement de cet arrangement, et transmit quelques ordres aux canots, dont l’un s’approcha, les autres restant à peu près à cinquante yards au large. Vingt des sauvages montèrent à bord et se mirent à fureter dans toutes les parties du pont, à grimper çà et là dans le gréement, faisant comme s’ils étaient chez eux, et examinant chaque objet avec une excessive curiosité.

Il était positivement évident qu’ils n’avaient jamais vu aucun individu de race blanche, — et d’ailleurs notre couleur semblait leur inspirer une singulière répugnance. Ils croyaient que la Jane était une créature vivante, et