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Page:Edgar Poe Arthur Gordon Pym.djvu/261

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seul support. C’était en vain que je m’efforçais de chasser ces réflexions et de maintenir mes yeux fixés sur la muraille unie qui me faisait face. Plus je luttais vivement pour ne pas penser, plus mes pensées devenaient vives, intenses, affreusement distinctes.

À la longue, arriva la crise de l’imagination, si redoutable dans tous les cas de cette nature, la crise dans laquelle nous appelons à nous les impressions qui doivent infailliblement nous faire tomber, — nous figurant le mal de cœur, le vertige, la résistance suprême, le demi-évanouissement et enfin toute l’horreur d’une chute perpendiculaire et précipitée. Et je voyais alors que ces images se transformaient d’elles-mêmes en réalités, et que toutes les horreurs évoquées fondaient positivement sur moi. Je sentais mes genoux s’entre-choquer violemment tandis que mes doigts lâchaient graduellement mais très-certainement leur prise. Il y avait un bourdonnement dans mes oreilles, et je me disais : C’est le glas de ma mort ! – Et voilà que je fus pris d’un désir irrésistible de regarder au-dessous de moi. Je ne pouvais plus, je ne voulais plus condamner mes yeux à ne voir que la muraille, et avec une émotion étrange, indéfinissable, moitié d’horreur, moitié d’oppression soulagée, je plongeai mes regards dans l’abîme.

Pour un instant mes doigts s’accrochèrent convulsivement à leur prise, et, une fois encore, l’idée de mon salut possible flotta, ombre légère, à travers mon esprit ; un instant après, toute mon âme était pénétrée d’un immense désir de tomber, – un désir, une tendresse pour l’abîme ! une passion absolument immaî-