Page:Edgar Poe Arthur Gordon Pym.djvu/55

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

position que j’occupais. Et puis le son devint moins distinct, — et puis encore moins, — enfin il allait toujours s’affaiblissant. Oublierai-je jamais mes sensations d’alors ? Il s’en allait, — lui, mon ami, mon compagnon, de qui j’avais le droit de tant attendre ! — il s’en allait, — il voulait m’abandonner, — il était parti ! Il voulait donc me laisser périr misérablement, expirer dans la plus horrible et la plus dégoûtante des prisons ; — et un mot, une seule petite syllabe pouvait me sauver ! — et cette syllabe unique, je ne pouvais pas la proférer ! J’éprouvai, j’en suis sûr, plus de dix mille fois les tortures de la mort. La tête me tourna, et je tombai, pris d’une faiblesse mortelle, contre l’extrémité de la caisse.

Comme je tombais, le couteau de table sortit de la ceinture de mon pantalon et coula sur le plancher avec le bruit sec du fer. Non, jamais musique délicieuse n’émut si doucement mon oreille ! Avec la plus ardente inquiétude j’écoutai, — pour constater l’effet du bruit sur Auguste ; car je savais que la personne qui prononçait mon nom ne pouvait être que lui. Tout resta silencieux pendant quelques instants. À la longue, j’entendis de nouveau le mot Arthur ! répété à plusieurs reprises, d’un ton bas, et une fois plein d’hésitation. L’espérance renaissante délivra tout d’un coup ma parole enchaînée, et je criai de ma voix la plus forte :

— Auguste ! oh ! Auguste !

— Chut ! pour l’amour de Dieu ! taisez-vous ! — répliqua-t-il d’une voix palpitante d’agitation ; — je vais être à vous tout de suite, — aussitôt que je me serai frayé un chemin à travers la cale.