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Page:Edgar Poe Arthur Gordon Pym.djvu/56

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Pendant longtemps je l’entendis remuer parmi l’arrimage, et chaque instant me semblait un siècle. Enfin je sentis sa main sur mon épaule, et il porta en même temps une bouteille d’eau à mes lèvres. Ceux-là seulement qui ont été soudainement arrachés des mâchoires de la mort, ou qui ont connu les insupportables tortures de la soif dans des circonstances aussi compliquées que celles qui m’assiégeaient dans ma lugubre prison, peuvent se faire une idée des ineffables délices que me causa ce bon coup, aspiré longuement, tout d’une haleine, — cette boisson exquise, — cette volupté, la plus parfaite de toutes !

Quand j’eus apaisé à peu près ma soif, Auguste tira de sa poche trois ou quatre pommes de terre bouillies et froides, que je dévorai avec la plus grande avidité. Il avait apporté de la lumière dans une lanterne sourde, et les délicieux rayons ne me causaient pas moins de jouissance que la nourriture et le liquide. Mais j’étais impatient d’apprendre la cause de son absence prolongée, et il commença à me raconter ce qui était arrivé à bord durant mon incarcération.

IV

RÉVOLTE ET MASSACRE.

Le brick avait pris la mer, ainsi que j’avais deviné, une heure environ après qu’Auguste m’eut laissé sa montre. C’était alors le 20 juin. On se rappelle que j’étais déjà dans la cale depuis trois jours ; et, pendant tout ce temps,