Page:Edgar Poe Arthur Gordon Pym.djvu/83

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considérablement dans une longue traversée qu’il en peut résulter les plus tristes malheurs. Pour les prévenir, il faudra, avant de quitter le port, employer tous les moyens pour tasser la cargaison aussi bien que possible ; il y a pour cela plusieurs procédés, parmi lesquels on peut citer l’usage d’enfoncer des coins dans le grain. Même après que tout cela sera fait, et qu’on aura pris des peines infinies pour assujettir les planches mobiles, tout marin qui sait son affaire ne se sentira pas du tout rassuré, s’il survient un coup de vent un peu fort, ayant à son bord un chargement de grains, ou, pis encore, un chargement incomplet. Cependant nous avons des centaines de caboteurs, et il y en a encore plus des différents ports d’Europe, qui naviguent journellement avec des cargaisons partielles, et même de la plus dangereuse nature, sans prendre aucune espèce de précautions. C’est miracle que les accidents ne soient pas plus fréquents. Un exemple déplorable de cette insouciance, parvenu à ma connaissance, est celui du capitaine Joël Rice, commandant la goëlette le Fire-Fly, qui faisait route de Richmond (Virginie) à Madère, avec une cargaison de céréales, en l’année 1825. Le capitaine avait fait nombre de voyages sans accident sérieux, bien qu’il eût pour habitude de ne donner aucune attention à son arrimage, si ce n’est de l’assujettir selon la méthode ordinaire. Il n’avait jamais fait de traversée avec un chargement de grains, et, en cette occasion, le blé avait été chargé à bord d’une manière assez lâche et ne remplissait guère plus de la moitié du bâtiment. Pendant la première partie de son voyage, il ne rencontra que de