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Sous l’empire de ces pensées amoureuses, il se disposait à se coucher ; il entra donc dans sa chambre, tourna le commutateur électrique et se dirigea vers le lit…

À ce moment, un rire éclatant retentit derrière lui, en même temps qu’une voix bien connue lui criait :

— Bonjour, Edgard !

Edgard se retourna. Un cri de stupeur lui échappa :

— Éléonore !

C’était bien Éléonore, en effet, qui était là. Adorablement dévêtue d’une robe verte qui laissait voir la gorge, les seins rebondis, les bras potelés, les jambes bien cambrées, elle le regardait d’un air moqueur :

— Oui, mon petit, c’est moi ? Tu peux palper. Je ne suis pas un fantôme !… C’est moi, Éléonore, en chair et en os !

Et elle commença à chanter, comme le jour de la fête de Neuilly :

Elle a un caractère en or-re
Éléonore ! Éléonore !

— Tais-toi !… De grâce, tais-toi !…

— Ah ! ah ! Tu ne m’attendais pas, hein ! Moi, je suis comme ça, j’arrive toujours quand on ne m’attend pas. Tu croyais bien t’être débarrassé de moi… Non, mais, tu ne m’as pas regardée !…

Et elle se prit à rire :

— Je te vois encore, me disant d’un ton tragique, avec un faux air de de Max : « Je vais où le devoir m’appelle ! » Moi, je commençais à trouver que le devoir te retenait rudement longtemps et je me suis dit : « Je connais mon Edgard, il n’y a pas que le devoir qui puisse le retenir ainsi à Château-du-Lac ! » Tu penses ! Il y avait aussi la jeune Agnès, la fille du docteur Rabaud…

— Comment sais-tu cela ?

— Voilà. Je sais tout, moi ! On ne me mène pas en bateau ! J’ai des amis, moi aussi, à Château-du-Lac. Tiens, lis cette dépêche que j’ai reçue hier à Paris.

Et elle tendit à Edgard médusé un papier bleu sur lequel il put lire, non sans effroi :

Venez d’urgence à Château-du-Lac si voulez empêcher mariage votre ami sous-préfet avec Agnès Rabaud, fille du docteur.

C’était signé : Une amie dévouée.

Edgard s’exclama :

— C’est au moins cette rosse de comtesse qui m’a joué ce tour-là.

— Ah ! ah ! Il y a aussi une comtesse qui…

— Oh ! celle-là, je te jure bien que…