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— Ne fais pas de faux serment. Ce télégramme-là, c’est celui d’une femme jalouse.

— Par exemple ! là, tu te fourres le doigt dans l’œil jusqu’au coude. La comtesse est un parangon de vertu.

— Ta ta ta ! Moi, je n’y crois pas aux parangons de vertu… La comtesse, c’est celle qu’Agnès a supplantée.

— Je ne l’ai jamais vue. Il paraît que je lui fais horreur.

— Voyez-vous cela. Il lui fait horreur ! Et moi, je parierais bien que la comtesse et toi, vous avez partagé ce lit-là plus d’une fois…

Ce fut au tour d’Edgard d’éclater de rire, tant cette idée lui parut extraordinaire.

— En tous cas, cette nuit, le lit ne sera ni pour Agnès, ni pour la comtesse… mais pour moi.

Ce disant, Éléonore fit glisser sa robe et apparut recouverte seulement d’une fine chemise brodée, ornée d’un ruban mauve.

Avant qu’Edgard ait pu dire ouf, elle avait bondi sur le lit. Ses cheveux défaits se répandaient sur l’oreiller. Et, jetant un regard sur son ami, elle lui disait :

— Avoue que la comtesse n’est pas aussi bien f…ichue que ça.

De fait, Éléonore était plus tentante que jamais.

Edgard, après tout, était un homme. Il avait un long arriéré de sagesse. Et qui donc aurait résisté à la tentation d’un beau corps qui s’offrait ainsi ?

Le sous-préfet capitula. Douce capitulation ! Un instant après, il serrait Éléonore dans ses bras et la couvrait de baisers fous.

Ce fut une nuit pleine de voluptés. Jamais peut-être les deux amants n’en avaient passé une semblable.

Ils se réveillèrent avant le lever du jour. Ou, du moins, ce fut Edgard qui, par un hasard providentiel, ouvrit les yeux le premier. Il éveilla sa compagne et, tout doucement, décidé à la prendre par la persuasion, il lui dit :

— Écoute, ma mignonne. Il faut t’en aller. Tu comprends que je ne peux pas te garder ici. Profite des derniers moments de la nuit pour sortir discrètement. Je ne te demande pas comment tu as réussi à entrer… Mais certainement tu pourras sortir aussi discrètement sans te faire remarquer.

Il s’attendait à une résistance. Aussi fut-il surpris de voir une Éléonore douce et « gentille comme tout », qui, d’elle-même, lui dit :

— Tu as raison, mon loup. Il ne faut pas te compromettre. Mais je reviendrai ce soir.

Elle sauta, légère, en bas du lit, remit de l’ordre dans sa toilette, se rhabilla et, après un dernier baiser à son ami :