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La vieille fille se dissimula dans l’angle indiqué par son amie et attendit patiemment. Les heures s’écoulèrent longues et fastidieuses sans que rien d’insolite se produisit.

Enfin, deux heures sonnèrent à l’horloge de la sous-préfecture et Mlle Dondurrand vit poindre la comtesse à l’angle de la rue. Mme de La Roche Pelée n’était reconnaissable qu’à son costume, large manteau l’enveloppant tout entière, chapeau enfoui dissimulant les cheveux, voilette épaisse cachant le visage.

La comtesse murmura doucement :

— Rien de nouveau ?

— Rien de nouveau, répondit son amie.

— C’est bien, je vais vous relever jusqu’au jour.

Et, heureuse du devoir accompli, Mlle Cunégonde Dondurrand s’en fut prendre un repos bien gagné.

vi

La comtesse attaque, le sous-préfet riposte.


La comtesse avait promis de faire éclater le scandale avant huit jours. Curieuse coïncidence, elle s’était donné le même délai que celui accordé par Edgard à la belle Éléonore.

Mais les événements allaient se précipiter.

Un jour que le docteur Rabaud, seul dans son cabinet de travail, était fort occupé à répéter un discours qu’il devait prononcer à une importante réunion de son parti, son domestique entra et lui dit :

— Monsieur… Mme la comtesse de La Roche Pelée est là ; elle demande à vous parler.

Le chef du parti républicain castrolagunien ne fut pas peu surpris de cette visite.

— Faites entrer, ordonna-t-il.

Un instant après, Isabelle pénétrait dans le cabinet du docteur.

La jeune femme baissait modestement les yeux sous sa voilette, non sans regarder son hôte à la dérobée. Le docteur demanda :

— À quoi, madame, dois-je l’honneur de votre visite ?

— Mon Dieu, docteur, vous serez certainement étonné de ma démarche. J’ai longtemps hésité avant de m’y résoudre. Mais mon devoir de chrétienne et d’honnête femme a eu finalement raison de tous mes scrupules.