— Pour garder des documents secrets qui sont dans le coffre-fort… mais il ne faut pas le dire…
— Et il y a longtemps que vous veillez sur ces documents ?
— Huit jours… c’est-à-dire, non, quinze jours, madame Éléonore.
— Voyons. Est-ce huit jours ou quinze jours ?
— Je vais vous expliquer, mais c’est un secret d’État que vous ne révélerez à personne. Il y a bien huit jours, mais le sous-préfet m’a recommandé de dire à tout le monde quinze jours.
— Ah ! le salaud ! la rosse ? le bandit ?…
— Quel est le personnage qui…
— Edgard, votre sous-préfet. C’est le dernier des misérables !… se jouer ainsi d’une malheureuse femme !… Ah ! la crapule !… Il a tout comploté de loin.
— Je ne comprends pas.
Éléonore haussa les épaules.
— Le contraire m’étonnerait ! dit-elle.
Elle s’assit sur le lit près d’Agénor tremblant.
— Écoutez, monsieur Agénor, vous êtes, j’en suis sûre, un galant homme ?
— Oui, madame Éléonore.
— Mon honneur, ma réputation sont entre vos mains. Mon sort dépend de vous.
— Comment cela ?
— Voilà : vous savez que l’on a fait courir des bruits sur le sous-préfet. Eh bien ! On n’a pas menti. Malheureusement il m’a compromise avec lui. Alors, aujourd’hui, l’infâme veut se disculper et rejeter la faute sur un autre. Cet autre, c’est vous.
Agénor était terrifié.
— Moi ! s’écria-t-il.
— Vous-même. C’est pourquoi il vous a fait coucher ici. C’est pourquoi il m’a enfermé avec vous, afin de pouvoir tout à l’heure nous faire surprendre et dire : « Voici le coupable ! C’est M. Agénor Trident ! »
— Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! gémissait le jeune homme.
— Oui, monsieur Agénor. Il faut prouver maintenant que vous êtes un homme.
— Je le prouverai, madame Éléonore.
— Nous n’avons pas le temps de fuir, je le crains. Par conséquent, voici ce que vous allez faire : cédez-moi votre place dans le lit.
— Dans mon lit ?
— Oui. Lorsqu’on viendra tout à l’heure, pour nous surprendre, ce qui est certainement le plan de ce misérable, je me cacherai sous les couvertures.