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— Encore ceux-là ! Va-t-il falloir, pendant un siècle, servir une pension à ces inutiles ? Quelle charge pour le Trésor, quelle charge toujours croissante ! La faillite est au bout et, en attendant la faillite, un surcroît des impôts sera indispensable pour nourrir à ne rien faire ces gens encore valides auxquels on refusera le droit de travailler !

Ainsi les buveurs d’élixir devenaient les parasites de la société, et le gouvernement responsable se voyait amené, par l’urgence même des choses, à craindre la réforme, à en redouter les suites budgétaires et, par conséquent, à en réprouver le principe.

— Au diable leur Auguérand ! L’animal nous a fourrés là dans un joli pétrin !

Le ministre des recettes, garçon d’esprit subtil, proposa d’assoupir tout doucement l’affaire :

— Les difficultés de ce genre-ci, dit-il, semblent nouvelles et ne le sont point : notre situation est analogue à celle de tout gouvernement en face de tout novateur dont l’apport menace de disloquer l’équilibre établi, l’harmonie adoptée. Il n’y a pas deux façons de gouverner, il n’y en a qu’une, la bonne ; un peu plus malaisée, aujourd’hui qu’autrefois, elle est cependant la seule : rouler le client pour sauvegarder le moment. L’histoire peut donc nous indiquer le remède à notre cas. Il est identique à celui de l’Église en face de Galilée, qui, génialement aussi, proposait une vérité gênante. Il importe d’obtenir une rétractation de cette vérité. Les moyens coercitifs que vos devanciers possédaient vous manquent ? Vous en possédez d’autres. Si Auguérand est désintéressé, ce sera plus cher, voilà tout ; et sûrement ce sera moins cher que d’adopter son système. Si nous ne pouvons pas acheter le docteur, achetons ses juges :