Page:Edmond Haraucourt Cinq mille ans 1904.djvu/22

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l’Orient triompha ? La formule serait excessive : mais du moins quelque chose mourut en Europe, et quelque chose naquit. De leur croisade aux pays de lumière, les hommes de la brume rapportaient une conception nouvelle de la vie, des besoins et des goûts inconnus jusqu’alors, des doutes sur leurs dogmes, des appétits de jouir : les races, en se connaissant mieux, venaient aussi d’apprendre à se mépriser moins, et les échanges commencèrent ; la fréquentation continuait, non plus belliqueuse, mais commerciale ; la lutte des produits succéda bientôt à la lutte des armes ; les expositions internationales suivirent de près les croisades. L’existence se faisait pratique, et l’âme du monde devenait utilitaire ; les dieux, sans tomber en oubli, perdaient néanmoins leur prestige, comme les princes leur pouvoir ; une égalité conventionnelle nivelait les citoyens, et chacun ne prenait souci que de ses intérêts propres : c’est la période républicaine, qui va du douzième au vingtième siècle.

La troisième période s’ouvre alors, et c’est la décadence ; un demi-siècle suffit pour transplanter d’Europe en Amérique la régence du monde : un râle, et l’histoire de la France est finie ; celle de la chrétienté s’achève. Ce râle n’a pas duré deux siècles.