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Page:Edmond Régnier - Histoire de l'abbaye des Écharlis.djvu/20

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histoire de l'abbaye des écharlis

Enfin, en 1198, les religieux font un bail à vie à Haton, curé de Villefranche, d’un pré et de deux ouches de terre sur cette paroisse[1] et, en 1199, un échange, approuvé par Adèle, reine de France, avec Thibault, frère de Robert, chapelain d’Adèle, échange qui les rend propriétaires à Villeneuve-sur-Yonne d’une place[2] où sera bientôt la Maison-Rouge, le lieu de refuge des religieux pendant les guerres de Cent Ans et de religion.

À cette époque, vit à Cudot (5 kilomètres des Écharlis) une recluse du nom d’Alpais, dont l’existence merveilleuse fait l’admiration de la contrée et dont la gloire rejaillit sur l’abbaye.

Née vers 1150 à Cudot[3], Alpais est, dès son enfance, un modèle de piété et de travail, s’occupant aux soins du ménage et aux durs travaux des champs. Son père, Bernard, meurt alors qu’elle est encore jeune fille. Pour comble de malheur, une affreuse maladie, la lèpre, couvre son corps d’ulcères nauséabonds et la rend un objet de dégoût même pour sa mère. Par ses prières, elle obtient, de la Sainte-Vierge, la guérison radicale de son mal, mais la maladie, les travaux trop pénibles accomplis dès son jeune âge, l’ont tellement débilitée qu’elle ne peut supporter aucune nourriture et reste clouée sur son lit. Malgré ce régime qui eût dû la conduire en peu de temps au tombeau, elle vit, étonnant le monde par son jeûne absolu et prolongé. En 1200, un chroniqueur, Robert d’Auxerre, affirme qu’Alpais n’a pris aucune nourriture ni aucun breuvage depuis trente ans, et il en est ainsi jusqu’à sa mort. Pendant 40 ans, des milliers de témoins admirent ce miracle. Comme certains y voient de la supercherie, l’archevêque de Sens, Guillaume de Champagne, fait une enquête minutieuse : une surveillance de jour et de nuit oblige de reconnaître un jeûne absolu et prolongé, humainement inexplicable. Sainte Alpais fait de nombreuses révélations et pré-

  1. H 658, liasse.
  2. H 649, liasse.
  3. Virgo igitur serenissima, in villula quadam, quæ Cudot appellatur, juxta Scaldeas, abbatiam ordinis nostri Cisterciencis sita, pauperibus orta parentibus, proprio nomine Aupaies est appellata. (Manuscrit de Chartres, Vie de la bienheureuse Alpais, reproduisant les documents historiques, par l’abbé Blanchon, Marly-le-Roy, 1893, p. 81.)