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QUATRIÈME CLIMAT.

son. Le quatrième [jour] ils virent venir un homme parlant la langue arabe, qui leur demanda qui ils étaient, pourquoi ils étaient venus, et quel était leur pays. Ils lui racontèrent toute leur aventure ; celui-ci leur donna de bonnes espérances et leur fit savoir qu’il était interprète. Deux jours après ils furent présentés au roi (du pays), qui leur adressa les mêmes questions, et auquel ils répondirent, comme ils avaient déjà répondu à l’interprète, qu’ils s’étaient hasardés sur la mer afin de savoir ce qu’il pouvait y avoir de singulier et de curieux, et afin de constater ses extrêmes limites.

Lorsque le roi les entendit ainsi parler, il se mit à rire et dit à l’interprète : Explique à ces gens-là que mon père ayant (jadis) prescrit à quelques-uns d’entre ses esclaves de s’embarquer sur cette mer, ceux-ci la parcoururent dans sa largeur durant un mois, jusqu’à ce que, la clarté (des cieux) leur ayant tout à fait manqué, ils furent obligés de renoncer à cette vaine entreprise. Le roi ordonna de plus à l’interprète d’assurer les Maghrourin de sa bienveillance afin qu’ils conçussent une bonne opinion de lui, ce qui fut fait. Ils retournèrent donc à leur prison, et y restèrent jusqu’à ce qu’un vent d’ouest s’étant élevé on leur banda les yeux, on les fit entrer dans une barque et on les fit voguer durant quelque temps sur la mer. Nous courûmes, disent-ils, environ trois jours et trois nuits, et nous atteignîmes ensuite une terre où l’on nous débarqua les mains liées derrière le dos, sur un rivage où nous fûmes abandonnés. Nous y restâmes jusqu’au lever du soleil, dans le plus triste état, à cause des liens qui nous serraient fortement et nous incommodaient beaucoup ; enfin ayant entendu des éclats de rire et des voix humaines, nous nous mîmes à pousser des cris. Alors quelques habitants de la contrée vinrent à nous, et nous ayant trouvés dans une situation si misérable, nous délièrent et nous adressèrent diverses questions auxquelles nous répondîmes par le récit de notre aventure. C’étaient des Berbers.