Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/112

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partants s’attardaient à trinquer, devant les comptoirs, avec les arrivants ou lâchaient leurs compagnons de route pour baguenauder avec d’autres pays. On distinguait les gens du Polder à leur thorax développé, à leurs faces bouffies et roses, à leurs yeux bleus comme les faïences de Delft ; les Campinois, à leurs galbe plus anguleux, à leur tignasse plus sombre, à leur mise moins cossue, à l’expression mélancolique et concentrée de leurs regards. Les fermières de la contrée fertile, constellées de bijoux comme des fiertés, arboraient d’échevelés bonnets à dentelles : les contadines de la région sablonneuse portaient de simples coiffes plates et des mantes de drap noir à capuchon. Des Zélandaises s’emprisonnaient la tête dans un frontail d’or luisant à travers le linon ; et leurs hommes, en pittoresque costume de velours vert, avaient le couteau passé dans la ceinture, retenue par un fermoir d’argent niellé. Ces agricoles charriaient des bambins rouges comme des coquelicots, sanglés dans leur veste de premier communiant, et des fillettes en chaperon de cuir bouilli, garni de rubans verts.

À mesure que la matinée avançait, des traînées de bourgeois en chapeaux de soie et en redingotes, maussades, emboîtaient le pas aux processions des sarraux indigos et des casquettes de soie aux fantasques méplats. Plus tard, des épaulettes, des pompons, des insignes militaires, faisaient comme des taches de sang parmi cette multitude sombre.

Vers le midi, la circulation devenait pénible dans les rues à parcourir par l’Ommegang. Des rassemblements