Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/70

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Il n’y paraît plus, comme tu vois… Ah ! mon fils, le bien que me fait ta présence !… Et nous allons, nous amuser ! Nous partons à l’instant pour la campagne… Je t’ai ménagé une surprise…

J’écoutai radieux — ô égoïsme de l’enfance — cette promesse de partie de plaisir et je n’entendais pas sa toux, sa toux sèche et convulsive qu’il essayait de calmer en tamponnant ses lèvres de son foulard des Indes. Je ne remarquai pas davantage, ou plutôt j’avisai sans y attacher d’importance, des bouteilles de médicaments et des boîtes de pilules encombrant la cheminée et la table de nuit. Un flacon de sirop venait d’être entamé et une goutte se coagulait dans la cuiller en argent. Yana tenait à la main une ordonnance nouvelle écrite ce matin même. Une odeur fade de drogues gommées et opiacées régnait dans la pièce. Ces détails ne me revinrent que dans la suite.

L’oncle prit congé.

— Surtout pas d’imprudence !.., dit-il à mon père. Tu me le promets ?… Sois rentré en ville avant le serein… Je prendrai George demain matin pour le reconduire à la pension…

— Nous serons raisonnables, sois tranquille ! répondit le père, fiévreux et distrait, n’ayant d’attention que pour son enfant.

Je crois même qu’il ne fut pas fâché de se trouver seul avec moi et, comme la perspective du retour à M…, évoquée par l’ancien officier, m’avait rembruni, il me prit sur ses genoux.

— Courage ! petit, disait-il. Ce ne sera plus long. Je me