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Page:Eekhoud - Les Pittoresques, 1879.djvu/78

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La Vengeance de Phanor

Sombre et presque honteux, déjà s’éloignait l’homme,
Une ombre reparut soudain à fleur de l’eau.
C’était Phanor nageant, délivré du fardeau,
Faisant tous ses efforts pour gagner le rivage.

Et la lune un moment, en sortant d’un nuage,
Montra ce pauvre mufle implorant le secours,
Lamentable, étouffé, mais, fidèle toujours,
Nageant vers l’endroit même où l’attendait son maître,
Ne voulant croire encore aux desseins de ce traître.

C’en était trop pour l’homme. Il se voyait berné
Par l’être inoffensif qu’il avait condamné.
Il fut pris tout à coup d’une rage de brute.
« Ah ! tu crois échapper ! Attends une minute !
Dit-il entre ses dents. Il me reste un moyen
De me débarrasser de cet horrible chien ! »

Il saisit une pierre. Au-dessus de sa tête
Il la brandit, guettant le moment où la bête
Toucherait terre… afin de l’assommer du coup.

Et Phanor s’approchait lentement, presque à bout
De forces, battant l’eau de ses pattes raidies,