Page:Eekhoud - Les fusillés de Malines, 1891.pdf/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
51
LES FUSILLÉS DE MALINES

feu est l’affaire d’un instant pour ces émancipés mis en appétit de destruction.

La flamme s’élève, la résine crépite, rustauds et rustaudes se prennent par la main et, en chantant, dansent une ronde échevelée autour du bûcher. Avant que le bois ait cessé de flamber, Rik l’Espiègle se détache de la chaîne, et exécutant un leste cavalier seul, pirouette, fringue au milieu du cercle, en plein brasier. C’est comique de le voir protéger, avec des mines poltronnes et des tortillements convulsifs, ses chausses trop larges et les pans de sa blouse, contre les familiarités des flammes que la frénésie et l’inattendu de ses virevousses semblent vraiment refouler et déconcerter.

D’autres fois il les nargue, les provoque, les traite de sans-culottes jaloux, qui voudraient bien l’habiller à leur mode et de chauffeurs désireux de lui chatouiller la plante des pieds. Sa langue frétillante imite le dardement des langues de feu. Ses grimaces sont aussi fantastiques que ses contorsions. Prouesses d’un saint Georges déluré, qui finit par étouffer sous ses sabots la bave enflammée du dragon.