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Page:Eekhoud - Raymonne, 1878.djvu/10

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L’IDYLLE.


Huguet n’a que vingt ans. Sa carrure d’athlète
Le dispute en puissance aux lignes de sa tête,
Ses membres vigoureux cadrent avec ses traits,
Dans ses yeux bruns la force à la bonté se mêle ;
Il a des cheveux noirs dont l’épaisseur rappelle
Les lianes ceignant les chênes des forêts.

— Sais-tu, disait le gars, qu’auprès de toi ma vie
Est un hallier obscur que perce une éclaircie !
Je serais sans espoir si je ne t’avais pas…
Mes chemins rocailleux de fleurs, qui les émaille,
Raymonne ? Et, dans les champs ingrats où je travaille,
Quel charme a décuplé la force de mes bras ?

Parfois au fond du bois, armé de la cognée,
Je reste un jour entier. Je te sais éloignée
Par le corps, mais mon âme est toujours près de toi.
Qu’importent la distance et la fatigue et l’heure
Si la meilleure part de mon être demeure
Ici, dans cette manse, où tu reçus ma foi !

Ainsi, murmure-t-il d’une voix douce et tendre,
Contre laquelle un cœur ne pourrait se défendre.
C’est un soupir mêlé de désir et d’espoir…
Raymonne a tressailli. Sur Huguet elle lève
Des yeux bleus qu’on ne voit si limpides qu’en rêve
Et dit : — Tu ne sais pas comme j’attends le soir.