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Page:Eekhoud - Raymonne, 1878.djvu/30

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LA COMÉDIE.


Gisors court vers le lit. Un soupir de Raymonne
L’appelle. Le soleil dans la chambre rayonne
Et met de chauds reflets aux rideaux de damas.
Gisors tombe à genoux. Il ne regarde pas
Le visage charmant qui vers lui se relève,
L’ineffable sourire éthéré comme un rêve
Flottant sur cette bouche, et ces yeux humectés
Ayant le pur éclat des célestes bontés.
Puis il sent une main qui sur son front se pose,
Main blanche et caressante. Et de pleurs il l’arrose.
La petite main tremble et ses doigts fins et doux
Indiquent la pitié plutôt que le courroux.
Mais il ne comprend pas. Ô pauvre enfant, pardonne…
Pardonne à ton bourreau, pardonne ma mignonne,
Fait-il en sanglottant. Mais qu’est-ce ? Cette fois
Il sent un long baiser qui le trouble et la voix,
De quelqu’un qu’il aimait, voix douce et bien connue,
Lui dit : Es-tu content que je sois revenue,
Et veux-tu que je reste ou faut-il éveiller
Raymonette qui doit encore sommeiller
Dans son lit nuptial près d’Huguet son beau pâtre ?

Elle dit tout cela d’un petit air folâtre
Comme quelqu’un qui rit d’un bon tour bien joué,
Et Gisors le brutal, Amaury le roué,
Suffoquant d’un bonheur qui touche à la démence,
Se trouvant délivré du remords, poids immense
Ne peut que répéter : Ma Diane aimons-nous,
Ou plutôt laisse moi t’adorer à genoux.